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Le Secours catholique dénonce les « sous-contrats » de travail, qui « produisent de la pauvreté »


(16 et 19 novembre 2004)

En 2003, l'association a aidé 1 600 000 personnes.

Par Rémi Barroux, pour Le Monde

Le travail, quand il est précaire, peut devenir "source d'appauvrissement". Dans son rapport annuel, qui devait être remis au premier ministre, mardi 16 novembre, "France précaire, statistiques d'accueil 2003", le Secours catholique alerte les pouvoirs publics sur cette réalité. Pour Gilbert Lagouanelle, le directeur du pôle action institutionnelle de l'association, "il est essentiel d'arrêter la spirale des emplois précaires, qui produisent de la pauvreté". Il critique une société "de plus en plus libérale, américanisée".

Pour le Secours catholique, toutes les formes d'emploi précaire exposent à la pauvreté. Les "sous-contrats", selon l'expression de l'association, "entraînent une succession de ruptures dans les ressources et donc une vie en pointillé". Ainsi, parmi les personnes accueillies, 16 % ont un contrat d'intérim (seulement 1,8 % dans la population française), 8,7 % sont en formation (1,1 %), 12,4 % bénéficient d'un emploi aidé (2,1 %) et 21 % travaillent à temps partiel (14,2 %). "Aucun de ces emplois précaires n'assure en moyenne un niveau de vie qui permettrait de se situer au-dessus du seuil de pauvreté", précise le Secours catholique. En 2001, l'Insee a fixé le seuil à 602 euros par mois et par "unité de consommation". Environ 83 % des personnes reçues se situent en dessous de ce seuil.

Deux exemples sont cités : les mères seules avec un enfant ont un revenu mensuel, toutes ressources confondues, de 670 euros lorsqu'elles sont au foyer, contre 715 euros lorsqu'elles ont un emploi à temps partiel, soit un gain de seulement 45 euros - qui passe à 366 euros quand elles bénéficient d'un CDI à plein temps. Avec deux enfants, ces mères au foyer ont un revenu mensuel de 768 euros, contre 849 euros avec un emploi à temps partiel, soit un gain de 81 euros. Pour le Secours catholique, un emploi à temps partiel, qui entraîne des frais de transport et de garde d'enfant, ne procure "aucun avantage décisif sur les revenus disponibles".

Si le travail n'est pas une condition suffisante pour éviter la pauvreté, il apparaît toutefois nécessaire. Le chômage demeure la caractéristique majeure des situations d'extrême fragilité. Le taux de chômage des personnes accueillies au Secours catholique est passé de 58,6 % en 2001 à 63,6 % en 2002, pour atteindre 66,5 % en 2003. Et 66 % de ces demandeurs d'emploi ne sont plus indemnisés, précise l'association.

En 2003, le Secours catholique a accueilli environ 690 000 "situations de pauvreté", ce qui représentait près de 1 600 000 personnes, 860 000 adultes et 740 000 enfants. 104 592 situations détaillées ont constitué un échantillon que l'association juge "pertinent". De cet échantillon, il ressort que la monoparentalité augmente (52 % des enfants accueillis contre 47 % en 1999). L'âge moyen des personnes rencontrées augmente, ce qui s'explique en partie par l'évolution démographique. "Mais l'évolution du marché du travail est certainement en cause", précise le rapport. Autre indication, "l'invalidité est une cause majeure et croissante d'inactivité entre 25 et 55 ans". Celle-ci représente 35 % des causes en 2003, contre 27 % en 1999.

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